« Il n’y a pas de journée-type »

Dans le cadre de la Journée internationale des femmes et filles de science, nous nous sommes entretenus avec trois chercheuses de notre commune au sujet des femmes dans la recherche et de leur quotidien. La professeur Claudine Kirsch du Department of Humanities de l‘Université du Luxembourg, la docteur Rashi Halder du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) de l‘Université du Luxembourg et la chercheuse Carole Blond-Hanten du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) sont toutes les trois unanimes à confirmer que cette journée a toujours son importance.

Ici au Grand-Duché, il y a encore du potentiel pour les femmes dans la recherche, ce qui ressort du rapport SHE Figures de 2018. Le Luxembourg occupe en effet la 36e place sur 41 pays dans le classement portant sur la proportion des femmes dans la recherche. De plus, il y a lieu de constater qu’une majorité de positions dirigeantes, y compris dans les domaines de la recherche qui sont majoritairement fréquentés par des femmes, sont toujours principalement occupées par des hommes.

La docteur Rashi Halder explique : « Une étude réalisée par Microsoft montre que les jeunes filles à partir de l’âge de 15, 16 ans partent du principe que la recherche s’adresse surtout aux hommes. Il est maintenant de notre responsabilité de briser cette idée. »

Carole Blond-Hanten rejoint l’idée de la docteur Halder : « Il est essentiel d’ouvrir ces différentes disciplines aux jeunes filles.  Bien sûr, elles ne leur étaient jamais fermées, mais c’est bien plus difficile quand on manque totalement de modèles dans les différents domaines. Il s’agit d’aborder et de traiter ces sujets plus en profondeur. Où en sommes-nous à présent, quel est notre objectif et que faut-il faire pour l’atteindre ?

La professeur Claudine Kirsch ajoute : « Les conditions devraient être adaptées en vue de l’égalité des genres. Si vous avez de jeunes enfants, vos chances de faire des recherches et de publier seront réduites, car il vous manquera du temps. Les chances d’un congé scientifique pour faire des recherches à l’étranger diminuent aussi. Cependant, les publications sont importantes pour les postes de direction. »

Il existe toujours des stéréotypes en matière de la recherche. Par exemple, quand nous pensons à un chercheur, une chercheuse, nous nous imaginons une personne en blouse blanche, portant des lunettes de protection et des gants travaillant dans son laboratoire. Toutefois, la recherche a de nombreuses facettes. Il y a une panoplie de disciplines différentes, telles que les STEM (sciences naturelles, technologie, ingénierie et mathématiques), les sciences sociales, les sciences de l’éducation, les sciences du langage etc. De nombreux domaines peuvent et devraient encore faire objets de recherches dans le futur.

Vous voyez, il n’y a pas de journée-type. Chaque jour réserve son lot de surprises, et c’est précisément ce qui est tellement enthousiasmant dans ma profession.

La professeur Claudine Kirsch et la chercheuse Carole Blond-Hanten ne portent pas de blouse blanche et ne font pas leurs recherches dans un labo. Le terrain est leur « laboratoire » et il varie d’un projet à l’autre suivant les sujets à explorer. Dans le domaine de la recherche en matière de multilinguisme dans l’éducation, les jours ne se ressemblent pas, comme nous le décrit la professeur Kirsch : « Certains jours, je donne 6 heures de cours à mes étudiants en Bachelier et en Master et, entretemps, un doctorant arrive pour un tutorat. Il y a des journées uniquement dédiées à l’enseignement. J’essaie de donner des méthodes et stratégies aux étudiants en Bachelier qui se destinent à une carrière d’enseignant afin qu’ils soient en mesure de développer à la fois l’expression orale et l’écrit des leurs élèves. Avec les étudiants en Master, les sujets du bilinguisme et du plurilinguisme sont plutôt abordés. Et quant aux doctorants, cela dépend de leur domaine de recherche. »

« Certains jours sont dédiés uniquement à l’analyse de données ou bien à la rédaction d’articles, car nous faisons face à une date limite importante. Et puis, il y a des jours plus cool, où je suis réellement sur le terrain chez les enfants et les adultes dans les crèches ou écoles pour relever des données pour nos projets de recherche. Vous voyez, il n’y a pas de journée-type. Chaque jour réserve son lot de surprises, et c’est précisément ce qui est tellement enthousiasmant dans ma profession. Les deux projets de recherche que je mène sont aussi très différents puisqu’il y en a un qui traite du COVID et implique des enfants – COVID-KIDS   est ainsi tout à fait dans l’actualité. Le second est un projet qui s’étend sur 4 ans et s’appelle COMPARE. Il s’agit d’une collaboration avec les parents et de la Literacy (expérience avec l’alphabétisme) chez les petits enfants fréquentant le Service d’Éducation et d’Accueil (SEA). »

La recherche dans les sciences sociales est bien moins typique que l’image que l’on peut en avoir dans sa tête.

Carole Blond-Hanten se consacre aux sciences sociales et travaille sur différents projets tels que le Gender Game, un projet à succès, qui souhaite clarifier les stéréotypes autour de la recherche et du genre. Elle a d’ailleurs décroché un prix, le FNR Award, et estime que les heures de travail effectuées au bureau et sur le terrain s’équilibrent. Carole raconte : « La recherche dans les sciences sociales est bien moins typique que l’image que l’on peut en avoir dans sa tête. Chez nous, au LISER, mais aussi dans d’autres centres de recherche, nous travaillons beaucoup au bureau, mais également sur le terrain. »

« Pour ma part, j’emploie des méthodologies qualitatives consistant à conduire des entretiens avec les acteurs du terrain. Je ne mène pas toutes les entrevues moi-même, mais quelques-unes, ce qui signifie que j’ai bien du contact avec la société, notamment lorsque nous menons une enquête sur les associations ici au Luxembourg, ou encore sur le dialogue social. En tout cas, nous nous rendons chez les personnes, les acteurs et nous leur posons des questions. La façon de procéder est pareille concernant les projets européens, pour lesquels nous figurons comme experts nationaux. Les données récoltées sont compilées par la suite. Côté qualitatif, celles-ci sont transcrites, codées, catégorisées et analysées et ensuite, il faut publier ces données. D’une part pour le niveau académique et scientifique et, d’autre part, pour la société bien sûr. »

Avant de me rendre au laboratoire dans l’après-midi, je dois avoir planifié les expériences la veille.

La docteur Rashi Halder effectue des recherches dans le domaine des sciences neurologiques et occupe la position de Sequencing Platform Manager au LCSB. Pour ce faire, elle travaille bien entendu au laboratoire, mais son quotidien est bien plus varié : « En général, je me réserve la matinée pour effectuer les tâches administratives. Je suis au bureau et écume mes courriels, échange avec l’administration et le département financier, et je coordonne l’utilisation de la Sequencing Platform par les différents chercheurs. Avant de me rendre au laboratoire dans l’après-midi, je dois avoir planifié les expériences la veille. Il faut que j’évalue s’il me faut du matériel supplémentaire, que je réserve le banc et indique pour combien de temps je compte m’en servir. Il arrive que certaines expériences doivent être effectuées selon un horaire spécifique et, dans ce cas, il convient d’informer tous les intervenants en dû temps sur le moment où ils peuvent utiliser un instrument en particulier. Le soir, je jette encore un coup d’œil sur mes courriels, rédige certains documents et effectue des calculs pour les projets de subventions ou pour les gens qui envoient des échantillons. »

Message pour les jeunes, en particulier les filles, qui se destinent à une carrière dans la recherche

Les trois chercheuses de la commune de Sanem partagent un même avis dans leur message aux nouvelles générations. Voici une petite liste avec les tuyaux que la professeur Claudine Kirsch, la docteur Rashi Halder et la chercheuse Carole Blond-Hanten souhaitent communiquer aux jeunes :

  • Il faut travailler dur, mais c’est en fait le cas dans chaque profession.
  • Il faut de l’endurance et de la maîtrise de soi, et parfois, un brin de chance.
  • Il faut savoir que la compétition est importante dans le domaine de la recherche.
  • Il faut aimer faire son travail.

En dehors des défis, la profession a bien entendu également des côtés positifs :

  • Le métier présente beaucoup de flexibilité.
  • La recherche est très diversifiée.
  • Les voyages sont nombreux pour se rendre à des conférences etc.
  • Les échanges avec les autres chercheurs/chercheuses sont nombreux et intéressants.
  • Le travail s’effectue dans un environnement très multiculturel.
  • Les résultats et les études seront publiés.
  • Le chercheur/la chercheuse obtient de la reconnaissance, soit par le biais des publications qui sont lues, soit parmi ses collègues actifs dans le domaine, soit par des prix.

Les trois chercheuses font leur travail avec passion et espèrent qu’à l’avenir, les jeunes filles en particulier sauront trouver leur voie dans la recherche.

 

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