Chaque jour, à nouveau

Pour les personnes atteintes d’une maladie rare, chaque jour représente un nouveau défi. Mais certaines journées sont meilleures que d’autres, une réalité également vécue par Jean-Paul Meyrer. Il est l’une des 30 000 personnes au Luxembourg qui vivent avec une maladie rare. En interview, il évoque son long parcours et la mise en place d’un groupe de soutien pour offrir de l’aide aux autres personnes atteintes – un support qu’il aurait aimé recevoir lui-même.

Jean-Paul Meyrer prend place en face. À la question comment il se sent, il répond : « franchement, pas très bien. Je n’ai pas trop dormi et j’ai mal. » Cela ne se voit pas, mais ce n’est pas une bonne journée pour lui. « Ces jours-là, j’ai du mal à marcher ou je ne peux pas faire de vélo avec l’équipe », ce qu’il fait pourtant d’habitude depuis des années.

Son parcours personnel a été semé d’embûches. En 2005, on lui a diagnostiqué une malformation d’Arnold-Chiari de type I. « Selon un médecin, mes tonsilles étaient déplacées d’environ cinq millimètres. L’autre a dit que ce n’était rien du tout … Tout dépend du spécialiste en face de vous », se souvient le soixantenaire. « Pour moi, c’était comme une partie de ping-pong à travers des années. En effet, je n’ai jamais reçu d’explication sur cette malformation. On ne m’a jamais dit ce que signifiait Chiari. »

« Les patients doivent demander des explications aux médecins : que signifie la maladie ? Qu’en est-il du traitement ? Où existe-t-il un centre de compétence ? Quel est mon traitement ? » – Jean-Paul Meyrer

Bien plus tard, en juillet 2021, après une mesure du flux de liquide céphalorachidien à l’étranger, il s’est avéré que les tonsilles étaient déplacées en fait de plus de 7 millimètres et qu’il avait un blocage partiel du flux de liquide céphalorachidien. « De plus, il s’est avéré qu’il y avait une compression de la moelle épinière, ce qui a finalement nécessité une intervention chirurgicale », explique Jean-Paul. Il continue d’expliquer les nombreux symptômes de la maladie. « Des brûlures, des fourmillements, des douleurs dans les jambes, des migraines, de la fatigue, des difficultés à avaler, des vertiges, des douleurs dans le cou. Ce qui était extrêmement grave et l’est toujours : je sentais chaque battement de cœur dans le cou, c’était si fort que ça s’étendait jusqu’aux épaules et à la tête. »

Les chiffres sont difficiles à déterminer, étant donné que de nombreuses personnes vivent avec la maladie sans le savoir. Des études américaines ont montré qu’environ 1 personne sur 100 présentait des anomalies de type Arnold-Chiari sur la base d’images IRM de la tête et du cou, explique Jean-Paul. Ainsi, sans le savoir, les concerné·e·s ont une malformation de Chiari de type I : « entre 0,01% et 0,04% peuvent avoir des symptômes », il souligne. En France, on estime à 6 000 le nombre de personnes concernées. Au total, 6 personnes atteintes de la même maladie se sont manifestées auprès de Jean-Paul, mais elles n’ont pas souhaité le rendre public et sont donc restées anonymes.

 

Plus d’informations

Selon des études récentes, il existe désormais 7 types différents de malformation d’Arnold-Chiari, comme Jean-Paul explique. Avec le type I, des parties du cervelet (également appelé tonsille) s’affaissent de 5 mm vers le trou occipital (« foramen magnum ») et la moelle épinière. La circulation du liquide céphalorachidien peut ainsi être perturbée.

La syringomyélie se définit par une cavité remplie de liquide dans la moelle épinière, souvent située au niveau des vertèbres cervicales. La moelle épinière est un faisceau situé dans la colonne vertébrale, par lequel les messages sont transmis du cerveau aux différentes parties du corps. L’espace, également appelé syrinx, peut s’étendre progressivement dans la moelle épinière et entraîner une compression de la moelle épinière. Les symptômes varient d’un·e patient·e à l’autre. La syringomyélie peut être congénitale ou survenir à la suite d’une infection, d’un traumatisme, d’une tumeur du système nerveux, etc., mais elle est souvent associée à une malformation de Chiari.

Comme différents médecins n’ont pas communiqué à Jean-Paul au sujet de ses problèmes et symptômes, il dit : « ce n’est pas une faiblesse d’un médecin, mais une force d’admettre quand il n’a plus d’idée et qu’il te transfère ailleurs. En échangeant avec d’autres médecins et spécialistes, le médecin peut élargir ses compétences. » C’est justement la raison pour laquelle l’échange entre les personnes concernées est si important pour lui. « Cela permet aux gens de connaître les opinions d’autres spécialistes et de savoir où s’adresser. C’est essentiel pour les patients. »

Il y a un peu plus de trois ans, Jean-Paul a pris l’initiative d’approcher l’association luxembourgeoise des maladies rares ALAN avec l’idée de créer un groupe de soutien. « Cela a abouti à la création du groupe Walk’n Talk. En collaboration avec ALAN et Ehlers Danlos Luxembourg et Syringomyelie Chiari Luxembourg, nous organisons ces promenades chaque premier samedi du mois. Nous nous retrouvons quelque part dans le pays à 10 heures du matin et entamons une marche de 4 à 5 kilomètres à un rythme tranquille. » Jean-Paul se souvient encore très bien de la première promenade. « C’était le 2 octobre 2021. » Depuis, le groupe s’est agrandi et de nouvelles personnes le rejoignent régulièrement. « Ce qui est génial, c’est qu’on y échange des idées. On se rend compte que ça fait du bien à tout le monde. On voit les besoins pour les partenaires, les aidants, pour tous ceux qui viennent. » De plus, les chemins sont adaptés aux fauteuils roulants et aux rollators. »

Il n’est pas seulement actif dans ce groupe, mais aussi dans d’autres associations, par exemple en tant que membre du conseil d’administration de l’association française APAISER SC ou en tant que membre de l’association allemande Syringomyelie und Chiari Malformation e.V. et du groupe de soutien Syrinx-Saarland. Il assure ainsi que les personnes concernées bénéficient des conseils adéquats et les soutient dans leur démarche.

« De nombreuses personnes touchées par une maladie rare se sentent seules. Bien sûr, certains amis et membres de la famille se retirent. Certains ne comprennent pas que tu n’es plus celui que tu étais. » – Jean-Paul Meyrer

« Pour moi, il a été difficile de me confier », avoue le père de famille. « Avoir une maladie rare ne signifie pas être isolé du jour au lendemain, mais cela arrive souvent parce qu’on ne peut plus participer comme avant. » N’ayant pas reçu suffisamment d’informations de la part des spécialistes à l’époque, il encourage les gens à agir eux-mêmes. « Les patients doivent demander des explications aux médecins : que signifie la maladie ? Qu’en est-il du traitement ? Où existe-t-il un centre de compétence ? Quel est mon traitement ? » Son groupe de soutien peut apporter une assistance et tenter de fournir les réponses nécessaires.

Il est conscient qu’il est parfois difficile d’accepter sa propre situation. « C’est pourquoi j’ai cherché du soutien psychologique auprès d’ALAN afin d’aborder différents aspects. » Pour Jean-Paul, il est également important de discuter les répercussions sur les proches de la personne concernée. « Le conjoint ou la conjointe et la famille vivent des moments difficiles et se posent beaucoup de questions : qu’est-ce que cela signifie, quel est l’avenir, quelle sera la prochaine étape. C’est pourquoi il est important de parler avec la personne et non pas d’elle », explique-t-il. « De nombreuses personnes touchées par une maladie rare se sentent seules. Bien sûr, certains amis et membres de la famille se retirent. Certains ne comprennent pas que tu n’es plus celui que tu étais. » Malgré tous les obstacles, Jean-Paul fait face à la vie – parfois mieux, parfois moins bien, comme il le dit lui-même. « Mais un jour, je me suis dit que je devais relever ce défi. C’est un défi, jour après jour. »

En collaboration avec EDS Luxembourg, association qui sensibilise au syndrome d’Ehlers-Danlos, Syringomyelie Chiari Luxembourg organise deux manifestations. Le 29 février 2024, journée des maladies rares, les deux associations se promèneront ensemble pour souligner l’importance de ce sujet. Rendez-vous à 17h30 à l’arrêt du tram Grand-Théâtre du Luxembourg au Glacis. Le 23 mars 2024, le Relais pour la Vie est également au programme. Rendez-vous à 10h à Mersch.

 

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