Du saut à la perche à la caméra

La première passion de Timo Wagner a été le sport – se dépasser, repousser ses limites et tirer le meilleur de soi-même. Mais déjà à cette époque, l’idée du théâtre et d’être devant la caméra trottait dans sa tête. Aujourd’hui, il aborde chacun de ses rôles avec discipline et sensibilité, et il prouve que courage et réorientation valent la peine.

Ce n’était pas une scène de théâtre, mais bien une salle de sport où est née la première passion de Timo Wagner. Enfant, il a joué au tennis de table à haut niveau, a intégré le cadre national, puis a bifurqué vers l’athlétisme, avec le saut à la perche. Ce fut une période de discipline, d’ambition – mais aussi de forte pression.
« D’être très jeune dans le sport de compétition, c’est dur », raconte-t-il lors de notre entretien, en terrasse à Esch, par une belle journée ensoleillée.

Timo a appris à s’accrocher, à surmonter ses doutes et à repousser ses limites. Mais une blessure et des différends avec la fédération l’ont contraint·e à mettre en pause sa pratique sportive de haut niveau. « Les désaccords avec la fédération de tennis de table m’ont poussé à changer de sport. Mais aussi une blessure a mis un coup d’arrêt à ma carrière en saut à la perche. » Pendant cette pause, il prend une décision : emprunter une autre voie. « J’avais déjà commencé à m’intéresser au théâtre, mais le moment décisif, c’est quand je suis rentré·e un jour à la maison et que j’ai dit : je veux devenir comédien. » La réaction des parents ? « Très positive. Mon père m’a dit : “Si tu le fais, fais-le vraiment à fond.” » Timo se souvient avec émotion : « Ils m’ont toujours soutenu·e – nous ont toujours soutenu·e. » Timo a deux frères et sœurs.

Grâce à une connaissance de ses parents, une nouvelle porte s’ouvre. Cette connaissance, c’était Mademoiselle Yvonne, la cousine de l’écrivain luxembourgeois Jean-Paul Maes.
« C’est ainsi que j’ai été mis en contact avec lui. Il a demandé à mon père quand je pourrais passer pour qu’il fasse ma connaissance. “Tel jour, à telle heure, ça t’irait ?” La réponse de mon père : “Eh bien, dans ce cas, il prendra le temps.” Cela avait impressionné Jean-Paul », raconte Timo en riant. Il commence alors des cours de diction et d’arts dramatiques. « Ce fut mon premier véritable contact avec le monde du théâtre – jusque-là, je n’y étais allé qu’une ou deux fois. »

Malgré les revers, le succès

La route fut longue : pendant un an et demi, Timo a voyagé de conservatoire en conservatoire en Allemagne. « Je n’avais aucune expérience des auditions, c’était à la fois excitant et angoissant. Tous les regards sont braqués sur toi. Tu te retrouves dans une petite salle avec une scène et une vingtaine d’autres élèves qui veulent, eux aussi, convaincre. » Il avait déjà eu quelques aperçus du métier, mais finalement, aucune école ne l’a retenu. « On me disait souvent que j’avais déjà des techniques qu’on ne pourrait plus changer. » Le problème ? Les écoles cherchent une “page blanche”, une personne qu’elles peuvent modeler selon leur style. Timo ne correspondait pas à ce moule. Pourtant, il ne renonce pas. Direction Paris, où il intègre une école privée et poursuit ainsi son chemin – avec succès. Aujourd’hui, Timo travaille sur des pièces de théâtre, des séries, des films… et sur lui-même. « Je ne me limite pas actuellement uniquement au métier d’acteur∙rice, même si j’aime cette profession plus que tout. » Mais nous y reviendrons.

« Je me souviens très bien : j’étais allé voir le film au cinéma. En sortant de la salle, j’ai dit que moi aussi je pourrais faire ça ! » – Timo Wagner

Il a joué dans des pièces luxembourgeoises. Son premier rôle marquant, dans Rabonzel, il l’a obtenu par hasard : « Le maître-sorcier s’était désisté. C’était Luc Schiltz (rôle principal dans la série luxembourgeoise Capitani, où j’ai aussi joué, ndlr), mais cela n’avait finalement pas pu se faire, car il avait un autre projet en parallèle. Au lieu de chercher quelqu’un d’autre, j’ai dit sans détour : “prenez-moi”. » Timo obtient le rôle.

L’amour du détail

Que ce soit sur scène ou devant la caméra, pour Timo, c’est le travail minutieux qui compte. Corps et âme, il construit ses personnages : au-delà de la physicalité et de la voix qu’il a transformées pour un rôle, il a même décidé que ce personnage ne clignerait jamais des yeux – sauf dans les moments où le doute le gagnait. Dans la série Marginale, il s’est profondément investi dans son rôle de Leon Clemens : « Avec le réalisateur Loïc Tanson, nous en sommes venus à l’idée que Leon pourrait avoir une certaine forme d’autisme. Cette approche a été acceptée telle quelle, et j’ai pu l’incarner ainsi. » Timo ne se contente pas de jouer ses rôles : il s’immerge dans la psychologie de ses personnages, réfléchit à la manière dont le public doit les percevoir et met un soin particulier dans la collaboration avec les réalisateur∙rice∙s et les auteur∙rice∙s impliqué∙e∙s dans chaque production.

Timo vit pour son côté expressif – des personnages comme celui du Joker incarné par Heath Ledger dans The Dark Knight ont été parmi ses premières inspirations lorsqu’il a envisagé de se tourner vers le théâtre. « Je me souviens très bien : j’étais allé voir le film au cinéma. En sortant de la salle, j’ai dit que moi aussi je pourrais faire ça ! » raconte-t-il en éclatant de rire.

Originaire de Soleuvre, Timo habite aujourd’hui dans l’une de nos communes voisines. « Mes parents vivent toujours dans la maison où j’ai grandi. » Même s’il a depuis déménagé, Soleuvre reste son véritable foyer. « Je connais Max Gindorff d’ici. Cette année, de janvier à avril 2025, nous avons travaillé ensemble. » Une rencontre marquante, après tant d’années sans contact. « C’est amusant : nous avons grandi dans la même commune, choisi le même métier mais emprunté des chemins complètement différents, pour finalement nous retrouver ainsi. »

De nouveaux projets en préparation

En fin d’entretien, Timo nous donne un aperçu de ses prochains défis. « Je travaille actuellement sur un projet d’écriture de contes pour enfants. » Fidèle à son envie de se réinventer en permanence, il reste ouvert à de nouvelles formes artistiques. Ces contes pourraient d’ailleurs, à terme, être adaptés sur scène. « Plus récemment, j’ai aussi collaboré de nouveau avec Max Gindorff, mais je ne sais pas encore quand le film sortira en salle. Et un nouveau projet avec le réalisateur Loïc Tanson est également en cours. » Des projets passionnants, qu’il évoque presque en passant : « Depuis des années, l’idée d’un biopic consacré à un sportif luxembourgeois circule. Et ce rôle, en tant qu’ancien sportif de haut niveau, je l’incarnerais bien volontiers. »

« Je ne me limite pas actuellement uniquement au métier d’acteur∙rice, même si j’aime cette profession plus que tout. »

Quand on lui demande ce qu’il préfère – le théâtre, le cinéma ou les séries – l’acteur répond que chacun de ces univers a ses avantages et ses inconvénients. « Au théâtre, tu as une certaine routine, tes journées sont moins longues. Sur un tournage de film, en revanche, tu es souvent occupé toute la journée. Tu passes beaucoup de temps dans les loges ou en attente. C’est un peu moins agréable, surtout quand tu tournes de janvier à avril et que les conditions météo ne sont pas idéales. Mais malgré tout, il y a quelque chose de fascinant là-dedans. »

À la question de savoir s’il se verrait un jour derrière la caméra, il reste prudent. « Pour l’instant, pas vraiment. Quelqu’un comme Loïc Tanson a une telle connaissance, une telle passion, il est tellement doué dans ce qu’il fait… Moi aussi, j’ai beaucoup appris, mais pas à ce niveau-là. » Il s’interrompt un instant, puis développe sa réflexion :
« Pour moi, un bon réalisateur, c’est quelqu’un qui comprend ses acteurs. Et comment peut-on les comprendre ? En ayant soi-même été acteur, parfois. Mais j’ai aussi travaillé avec beaucoup de réalisateurs qui n’ont jamais joué, et qui savent pourtant parfaitement ce qu’ils font, comment guider leurs comédiens. »

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