Orange Week: Hors d’Haleine

L’Artikuss est plongé dans l’obscurité. Le public reste silencieux tandis que le générique défile sur l’écran. Finalement, la scène s’illumine d’une lumière orangée et les six intervenant·es prennent place. Un léger souffle parcourt la salle. Le film Hors d’Haleine d’Éric Lamhène vient d’être projeté, retraçant le parcours d’Emma, survivante de violences conjugales, à travers ses multiples facettes faites d’émotions intenses, de blessures invisibles et d’une résilience remarquable.

Les violences faites aux femmes et aux filles existent aussi bien au Luxembourg que dans notre commune, et touchent tous les milieux sociaux. Dans le cadre de l’Orange Week, qui vise à sensibiliser à cette problématique sociétale, la Commune de Sanem, en collaboration avec le Ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité (MEGA), a organisé le 1er décembre un Ciné-débat autour du film Hors d’Haleine. Avec l’idée initiale de réaliser un thriller centré sur une femme victime de violences domestiques, Éric Lamhène et Rae Lyn Lee se sont rendu·es dans un foyer pour femmes afin de mieux comprendre cette réalité. « Contrairement à mes attentes de découvrir un lieu froid et gris où “les personnes les plus fragiles” cohabitent temporairement, nous avons trouvé une maison vivante où des enfants jouent et courent partout. J’ai vite compris que nous avions affaire à des personnes dotées d’une très grande force, tout sauf faibles », explique Éric Lamhène. La décision fut rapidement prise de faire un film sur cette réalité, en adaptant le projet initial.

Cette empathie envers les femmes est perceptible tout au long du film et leur donne une véritable voix. Esperanza Martin, l’une des actrices, a participé à la table ronde et a témoigné : « J’ai moi-même été victime de violences conjugales. Le film ne raconte pas exactement mon histoire, mais elle suit un parcours similaire. » Elle évoque la violence psychologique et économique : « Tout a commencé très doucement, lorsque mon ex-mari a pris de plus en plus de contrôle sur ma vie. Par la suite, je n’avais plus le droit de conduire et je vivais dans la peur qu’il me retire ma carte bancaire », raconte Esperanza. Elle a finalement trouvé refuge dans un foyer. Toutefois, le cauchemar n’a pas pris fin une fois qu’elle a quitté le centre et trouvé un logement indépendant . « Mon ex-mari a exercé des pressions pour obtenir la garde des enfants. La violence a donc continué après mon départ… elle a simplement pris une autre forme. »

Un murmure parcourt la salle de l’Artikuss. En effet, on pense souvent spontanément à la violence physique, mais il existe d’autres formes de violence, bien plus difficiles à prouver. La violence psychologique est particulièrement mise en avant dans Hors d’Haleine. Christine Renzi, du service Log-In du Conseil National des Femmes du Luxembourg (CNFL), confirme : « La violence psychologique est plus intense et plus imprévisible. Elle est extrêmement difficile à démontrer. De plus, elle s’exerce souvent sur une longue période. » Séverine Godard, d’Infomann, ajoute : « On détruit progressivement la personne. »

Annette Michels, de La Voix des Survivantes, souhaite transmettre un conseil au public : « Pratiquez un sport de combat pour renforcer votre estime de soi ! » Selon elle, les auteur·es de violences perçoivent lorsque la victime se sent vulnérable ou manque de confiance en elle. Esperanza, elle aussi, a gagné en estime de soi. À la question de savoir ce que cela lui a fait, en tant que survivante de violences conjugales, d’incarner un rôle si proche de sa réalité personnelle, elle a répondu avec assurance : « Pour moi, cela a été un processus thérapeutique. De plus, mon avocat·e m’a informée que mon ex-mari a retiré ses démarches pour obtenir la garde des enfants. » Elle ajoute avec un léger sourire : « Quand j’étais enfant, je rêvais de devenir actrice… qui aurait cru que ce rêve se réaliserait un jour ? »

« Pour moi, cela a été un processus thérapeutique. De plus, mon avocat·e m’a informée que mon ex-mari a retiré ses démarches pour obtenir la garde des enfants. » – Esperanza Martin, actrice

En conclusion, Ralph Kass, du MEGA, a présenté le Centre national pour victimes de violences (CNVV) : « Le CNVV a été inauguré cette année, soutenu par le MEGA et géré par la Croix-Rouge. Toute personne victime de violences physiques, sexuelles ou psychologiques y reçoit une aide. Une équipe pluridisciplinaire propose, en un même lieu, un accompagnement psychosocial, une assistance médicale, un soutien policier incluant le dépôt de plainte, ainsi qu’une information juridique. Cette approche vise à offrir aux personnes concernées une prise en charge globale et professionnelle, facilitant significativement leur parcours. »

Si vous êtes témoin, victime ou auteur·e potentiel·le de violences, vous pouvez consulter le site www.violence.lu, où figurent de nombreuses informations et adresses utiles. En cas d’urgence, il est recommandé d’appeler la Police. Pour toute question supplémentaire sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter notre Service à l’Égalité des chances et à la Diversité (service.secd@suessem.lu ou 59 30 75 654).

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